Le caractère public ou privé de facebook ?

21 Juin 2013

Nous nous étions récemment interrogés au travers d’un article sur le caractère public ou privé de Facebook.

En effet, les juges du fond se sont divisés, voir opposés sur cette question comme l’avait, constaté la Cour d’Appel de Rouen le 15 novembre 2011 :

« il ne peut être affirmé de manière absolue que la jurisprudence actuelle nie à Facebook le caractère d’espace privé, alors que ce réseau peut constituer soit un espace privé, soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur. » (CA Rouen, 15 nov. 2011, n° 11/01827 et n° 11/01830).

Alors un salarié peut-il librement insulter son employeur sur sa page Facebook ?

La Cour de cassation vient d’être saisie de cette question et a rendu un arrêt le 10 avril 2013, dans une affaire où une employée avait tenu des propos injurieux envers son patron sur sa page Facebook et sur MSN (Cass. 1re civ., 10 avr. 2013, no 01-19.530 P + B + R + I). La salariée avait publié les propos suivants:

« Sarko devrait voter une loi pour exterminer les directrices chieuses comme la mienne !!! » (site MSN) « extermination des directrices chieuses » (Facebook) « éliminons nos patrons et surtout nos patronnes (mal baisées) qui nous pourrissent la vie !!! » (Facebook) »

La Cour de cassation a estimé que : « après avoir constaté que les propos litigieux avaient été diffusés sur les comptes ouverts par Mme Y… tant sur le site Facebook que sur le site MSN, lesquels n’étaient en l’espèce accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint, la cour d’appel a retenu que celles-ci formaient une communauté d’intérêts. Elle en a exactement déduit que ces propos ne constituaient pas des injures publiques. »

Et oui pour la Cour de Cassation Facebook n’est pas un lieu public… Mais, loin de clore le débat, la Cour de cassation a nuancé sa position, en précisant que pour que Facebook reste dans la sphère privée, il faut que les internautes ayant accès aux messages soient agréés par le titulaire du compte et soient peu nombreux. Si ces deux conditions sont réunies, alors l’auteur et les lecteurs se trouvent liés par une « communauté d’intérêts » et ce qu’ils échangent n’est donc pas public.

Tout le débat va être désormais porté sur le sens de la « communauté d’intérêts » et sur la question relative au nombre d’amis, sachant que la moyenne Française tourne autour de 200…

Aux termes de cet arrêt, la Cour de cassation a donc considéré que Facebook est un lieu public lorsque les deux conditions visées sont respectées, et par conséquent, les propos que l’on y tient ne sont donc pas susceptibles de faire l’objet de poursuites pour diffamation ou injure publiques.

La Cour de Cassation a néanmoins considéré que la Cour d’Appel devait rechercher si les propos litigieux pouvaient être qualifiés d’injures non publiques, dont il faut préciser que le montant de l’amende est de 38 euros… ce qui n’est pas vraiment dissuasif.

La Chambre Sociale devra se prononcer bientôt à son tour sur la question relative au licenciement Facebook, et l’on peut penser qu’elle reprendra les termes de cet arrêt.

Pour le salarié, l’arrêt du 10 avril 2013 ne signifie en aucun cas que la Cour de cassation déclare « privées » toutes les conversations sur Facebook : c’est même l’inverse, vu la double condition posée. La page Facebook n’est pas définitivement considérée comme un lieu privé. En outre, les propos qu’un salarié tient sur sa page Facebook peuvent aisément sortir de la seule page Facebook et, en se diffusant sur le web, constituer un trouble objectif grave permettant de licencier pour cause réelle et sérieuse.

Le débat est loin d’être clos et Facebook va donc continuer à faire couler beaucoup de jurisprudences.

Ebru Tamur

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