Les conditions générales d'engagement de la responsabilité administrative ?

14 Juin 2013


Il existe 3 conditions générales d’engagement de la responsabilité administrative : l’existence d’un dommage, la présence d’un préjudice indemnisable et, enfin, l’imputation du dommage à une personne publique.

Le dommage résulte soit d’un acte de l’administration, qu’il soit régulier (= légal) ou non, soit d’une action/d’un fait de l’administration. C’est pourquoi il est indispensable de connaître les règles relatives à l’élaboration et l’exécution des actes administratifs (cf. dossier n° DA 06 ou DA 02 avec nouvelle numérotation), ainsi que les conditions d’intervention des personnes publiques en matière de service public et de police administrative (cf. dossier n° DA 07 ou DA 03 avec nouvelle numérotation). 

Le dommage est une atteinte : une atteinte à un bien, une atteinte à une situation ou une atteinte corporelle. Il s’agit d’une donnée essentiellement objective, à savoir une donnée qui s’analyse in abstacto de la personne qui le subit.

L’absence de dommage exclut l’existence d’un préjudice.
 

2. Un préjudice indemnisable

Le préjudice est une notion principalement subjective car elle s’apprécie par rapport à une personne déterminée, à savoir la victime. La doctrine constate une extension continue de cette notion, qui a conduit cette dernière à devenir l’élément central de la responsabilité administrative.

Le préjudice doit comporter un certain nombre de caractères pour être indemnisé.
 
  • Il doit, en premier lieu, être certain et direct : s’il ne peut pas être éventuel, il peut en revanche être futur. Intervient ici la notion de « perte de chance » : reconnue depuis des années 1920 par le Conseil d’Etat, à condition que cette perte de chance soit sérieuse et le préjudice certain (analyse in concreto), la perte de chance est régulièrement invoquée dans le cadre de la responsabilité hospitalière. S’agissant du caractère direct du préjudice, notons que le juge administratif accepte d’indemniser les « victimes par ricochet », à savoir les personnes unis par des liens (essentiellement affectifs) aux victimes directes.
  • Il doit, en second lieu, être matériel et/ou moral (préjudice patrimonial ou extra-patrimonial) : au titre du préjudice matériel, ce dernier peut être corporel ou constituer un dommage aux biens, à savoir une dépréciation de la valeur de ces derniers. Quant au préjudice moral, sont ici visées les atteintes à l’honneur ou à la réputation, l’atteinte à l’intégrité physique, les souffrances physiques, le préjudice esthétique, les troubles dans les conditions d’existence ou encore la douleur morale.

Certains préjudices ne sont pas indemnisables, soit en application de la loi, soit en application de la jurisprudence.

A titre d’exemple, on peut citer l’article L. 160-5 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel : « n'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones ». L’alinéa 2 dispose cependant qu’ « une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu ».
 

Autre exemple, de nature jurisprudentielle cette fois : les préjudices liés aux « modifications apportées à la circulation générale » et qui résultent « soit de changements effectués dans l’assiette ou dans la direction des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles ». Elles sont toutefois susceptibles d’ouvrir droit à réparation si les allongements de parcours et les difficultés d'accès des riverains à leur propriété du fait de la disparition d'une voie d'accès qu'ils utilisaient, que celle-ci résulte d'un parti d'aménagement de la collectivité publique ou d'un défaut d'entretien de la voie, excèdent les sujétions qui doivent normalement être supportées sans indemnité ; (cf. CE, 16 juin 2008, Commune de Valréas).

 Notons également que certains préjudices ne sont pas non plus indemnisables en raison de la « situation » de la victime. 
  • La situation de « risque acceptée » : ici, la victime s’est sciemment exposée à un risque. Elle ne peut donc pas invoquer un préjudice si ce risque, connu de cette dernière, s’est réalisée (cf. CE, 10/07/1996, Meunier) ;
  • L’exception d’illégitimité : « nul ne peut invoquer sa propre turpitude », ce qui signifie que la victime ne peut solliciter une indemnisation d’un préjudice résultant d’une situation illégale dans laquelle elle s’est volontairement placée (ex. : occupant sans titre du domaine public).

3. L’imputation du dommage à une personne publique

Il s’agit du traditionnel lien de causalité entre le dommage et la présence d’une personne publique. Sans ce lien, aucune indemnisation n’est possible. 

Le juge administratif applique la théorie de la causalité adéquate, à savoir qu’il cherche le degré d’implication de la personne publique dans la réalisation du dommage. Il est nécessaire que le dommage soit la cause directe d’un acte ou d’une action de l’administration. 

Exemple : un délai trop long qui s’écoule entre la délivrance d’un permis de port d’arme et l’utilisation de cette arme pour commettre un meurtre exonère l’administration de toute responsabilité (cf. CE, Sect., 21/03/1969, Min. de l’intérieur c./Dame Montreer).

 Il existe des causes exonératoires, partielles ou totales, de la responsabilité administrative :
  • La force majeure : il s’agit d’un événement imprévisible, irrésistible et extérieur aux parties. Il s’agit d’une cause exonératoire de responsabilité traditionnelle ;
  • La faute de la victime : si la victime a « participé » à la réalisation du dommage, l’indemnisation sera calculée à due proportion de la faute commise, voire exclue ;
  • Le fait d’un tiers : le dommage s’est réalisé, en tout ou partie, par l’intervention d’un tiers. C’est donc ce dernier qui a causé ou aggravé le dommage. Le fait du tiers n’a pas d’incidence en cas de responsabilité sans faute ou pour dommages de travaux publics afin d’assurer une indemnisation aux victimes ;
  • Le cas fortuit : il s’agit d’un événement imprévisible, irrésistible, mais non extérieur à l’administration. Cette cause exonératoire joue exclusivement dans le régime de la responsabilité sans faute.

 

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