SOMMAIRE
Le contrat est gouverné par la volonté qui est à l’origine de sa création. Son existence se fonde sur la liberté contractuelle. Le sujet de droit peut s’engager s’il le souhaite dans les limites qu’il accepte. Cette liberté est toutefois restreinte par le respect de l’ordre public et des bonnes mœurs. L’usage linguistique courant assimile volontiers la convention au contrat, en réalité, celle-ci est plus large que ce dernier. Une convention désigne toute forme d’accord destinée à produire des effets de droit, sans forcément faire naître une obligation, mais pouvant concerner son transfert ou son extinction. Le contrat, quant à lui, est défini par le Code civil comme : « une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent, envers une ou plusieurs autres, à donner, à faire ou à ne pas faire quelque chose ». La loi opère une classification parmi les différents types de contrat et en suggère d’autres. Elle fixe également des conditions d’existence du lien contractuel que sont le consentement, la capacité, l’objet et la cause. Si ces conditions ne sont pas satisfaites, le contrat est susceptible d’être annulé (nullité relative ou absolue, selon les cas) et donc insusceptible de produire des effets juridiques. Par contre, si ces conditions sont conformes aux exigences légales, il est exécuté par les parties qui se conforment aux stipulations qu’il contient mais le contrat produit également des conséquences juridiques plus générales qui lui sont inhérentes (1). En revanche, en cas d’inexécution, d’autres effets permettront d’en réparer les conséquences (2).
1 Les effets juridiques inhérents au contrat
Le contrat contient et produit un effet obligatoire (1.1) ainsi qu’un effet relatif (1.2).
1.1 L’effet obligatoire du contrat
L’effet obligatoire du contrat est contenu à l’article 1134 du Code civil qui dispose : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ». Ce texte ne signifie pourtant pas qu’il y ait une assimilation du contrat à la loi, notamment, parce que le contrat, dans sa formation et sa validité, est subordonné à la loi mais aussi parce que la loi est l’émanation de la volonté générale tandis que le contrat n’oblige que les parties en cause. Cet article fondamental du Code civil contient en réalité l’idée qu'une obligation née du contrat s'impose aux contractants avec la même force qu'une obligation légale. Il produit des conséquences à l’égard des parties (1.1.1) mais aussi du juge (1.1.2).
1.1.1 Conséquences à l’égard des parties
En s’engageant les parties sont tenues par un lien de droit. Elles ne peuvent pas se soustraire à leurs obligations et doivent les exécuter. A défaut le contrat peut faire l’objet d’une exécution forcée ou du versement de dommages et intérêts.
Si l’inexécution est imputable à la modification de l’économie du contrat (exemple : augmentation très importante et imprévisible du coût des matières premières) il doit se poursuivre car les tribunaux civils refusent de tenir compte de la théorie de l’imprévision. Toutefois, dans certains cas, le contrat peut néanmoins faire l’objet d’une révision (quant la loi le permet ou si les parties l’ont prévu à l’avance par exemple).
En principe, les parties ne peuvent pas rompre leur engagement de manière unilatérale, il faut donc un accord commun de rupture. Mais la loi prohibant les engagements perpétuels, les contrats à durée indéterminée, peuvent être rompus de manière unilatérale, avec respect d’un préavis. Il existe encore d’autres exceptions notamment en droit de la consommation avec, dans certaines hypothèses, un délai légal de rétractation.
1.1.2 Conséquences à l’égard du juge
Le juge est lié par les dispositions du contrat comme il est lié par la loi. Il doit appliquer mais peut aussi user de la faculté d’interprétation lorsqu’une clause n’est pas claire et précise dès lors qu’il ne la dénature pas. Il peut aussi accorder certains avantages : délais de grâce, échelonner ou reporter un paiement ou réduire une clause pénale excessive.
Il est aussi possible que, dans certains cas, les parties aient recherché à dissimuler leur véritable volonté. On parle alors de simulation : l’acte ostensible (contrat apparent) est contrarié par un acte secret (la contre-lettre). La contre-lettre peut détruire, modifier l’acte ostensible ou en déplacer les effets juridiques (recours au prête-nom). Exemple : l’acte ostensible indique qu’il s’agit d’une vente et la contre-lettre prévoit que le paiement ne s’effectuera pas. En principe les dispositions de la contre-lettre sont applicables entre les parties mais n’ont pas d’effet à l’égard des tiers si elles sont contraires à leurs intérêts. Toutefois, dans certaines hypothèses, la contre-lettre voir la contre-lettre et l’acte ostensible sont frappés de nullité (exemples : organisation d’une fraude fiscale ou donation à une personne incapable de la recevoir).
L’effet obligatoire du contrat est, comme nous l’avons vu, lié au principe de l’effet relatif de ces dispositions.
Le principe de l’effet relatif du contrat est contenu à l’article 1165 du Code civil qui dispose : « Les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes (…) ». Ce texte suppose donc que les contrats n’obligent que les parties signataires à l’exclusion des tiers. Il n’est donc pas possible de rendre débitrice une personne qui n’a souscrit aucun engagement.
Il existe cependant des hypothèses dans lesquelles il est fait exception à ce principe :
- la stipulation pour autrui :
Ce type de contrat permet l’exécution d’une prestation, conclue entre deux parties, au profit d’un tiers bénéficiaire (exemple : l’assurance vie).
- la promesse de porte-fort :
La promesse de porte-fort est un acte par lequel une personne s’engage à ce qu’une autre personne souscrive à l’engagement envisagé. Ce tiers est libre de souscrire ou non et, s’il refuse, la responsabilité de celui qui avait promis le contraire sera engagée.
- les contrats collectifs :
En droit du travail les conventions collectives sont signées par des organisations syndicales représentatives et engagent tous les membres de la profession. L’existence de ce type de contrat est soumise à la loi.
Au-delà de ces effets inhérents au contrat son inexécution peut également produire des conséquences juridiques importantes.
2 Les effets de l’inexécution du contrat
La force obligatoire du contrat entre les parties permet d’envisager des dispositions permettant de contraindre au respect des engagements. Il existe plusieurs modalités, l’exécution forcée (2.1), l’exécution en nature (2.2), l’exécution par équivalent (2.3), l’exception d’inexécution (2.4) et la résolution du contrat (2.5).
2.1 L’exécution forcée
Confronté à un débiteur qui n’exécute pas son obligation, le créancier doit, en principe et préalablement, le mettre en demeure en lui rappelant notamment les termes de son engagement et lui en imposer l’exécution.
Cette formalité permet notamment :
- d’avertir le débiteur du retard dans l’exécution (à défaut le retard est présumé accordé tacitement par le créancier) ;
- d’enjoindre le débiteur à respecter son engagement et à exécuter la prestation prévue ;
- de constituer le point de départ pour le calcul de dommages et intérêts ;
- de retarder le transfert des risques de la chose (en cas de livraison d’un bien).
La mise en demeure est inutile dans certains cas, en particulier, lorsque les parties en ont prévu la dispense dans le contrat ou quant l’obligation devait être exécutée dans un délai précis et que ce dernier est dépassé.
2.2 L’exécution en nature
L’exécution en nature suppose la réalisation de la prestation prévue au contrat. Il faut cependant distinguer selon la nature de l’obligation en cause.
- pour les obligations de faire :
Si le débiteur doit réaliser une prestation revêtant un caractère personnel, il n’est pas possible de le contraindre à l’exécuter. S’il ne respecte pas son engagement le créancier sera indemnisé par le versement de dommages et intérêts.
Il est toutefois possible qu’une remise en état puisse être ordonnée par le juge (donc une exécution en nature). Dans ce dernier cas elle doit être réalisée aux frais du débiteur. Ce dispositif peut également être complété par l’attribution de dommages et intérêts en cas de retard ou du caractère incomplet prévisible de la remise en état.
- pour les obligations de ne pas faire :
Une obligation de ne pas faire suppose que le débiteur se soit engagé envers le créancier à s’abstenir de faire quelque chose. En principe le non respect d’une telle obligation vient également se résoudre par l’attribution de dommages et intérêts au créancier.
- pour les obligations de donner :
Lorsque l’obligation porte sur un corps certain, le transfert de propriété est réalisé au moment du consentement des parties. Il restera éventuellement et simplement à livrer la chose (obligation de faire). L’exécution en nature résulte donc ici du contrat.
Lorsque l’obligation porte sur une chose de genre, le transfert de propriété s’effectue lorsque la chose a été individualisée (identifiée comme étant spécialement destinée à l’autre partie). Les parties peuvent également, par le jeu d’une clause de réserve de propriété, retarder ce transfert.
L’astreinte : c’est un moyen de contrainte indirecte. Concrètement, le juge peut assortir sa décision d’une astreinte, c’est-à-dire de l’obligation de payer une somme d’argent par jour de retard dans l’exécution. Elle peut indifféremment concerner une obligation de faire ou de ne pas faire ou encore de donner. Son montant est versé au créancier et s’ajoute éventuellement aux dommages et intérêts. L’astreinte est considérée comme un moyen de pression efficace car plus le débiteur attend pour s’exécuter plus il perd d’argent.
2.3 L’exécution par équivalent
Cette modalité d’exécution est synonyme de responsabilité contractuelle. Il s’agit d’une hypothèse dans laquelle le débiteur n’a pas réalisé sa prestation (totalement ou partiellement) et où l’exécution en nature n’a pu être obtenue. Le préjudice subi par le créancier est donc indemnisé par équivalent, c’est-à-dire, par le versement d’une somme d’argent (dommages et intérêts) suffisante pour réparer le dommage causé par le débiteur récalcitrant.
Les conditions sont les suivantes :
- un préjudice subi par le créancier :
Le mépris du respect des règles de l’art, l’absence ou le retard dans l’exécution de la prestation du débiteur vont causer un dommage au créancier.
- une faute du débiteur :
L’appréciation de la faute du débiteur varie selon la nature de l’obligation :
* pour les obligations de résultat : le débiteur doit parvenir à un résultat déterminé. S’il n’y parvient pas cela suffit à engager sa responsabilité sauf s’il établit que son inexécution est imputable à une cause étrangère.
* pour les obligations de moyens : le débiteur doit tout mettre en œuvre pour parvenir à un résultat déterminé. La responsabilité du débiteur n’est engagée que si le créancier parvient à démontrer que les moyens à la disposition du débiteur n’ont pas été mis en œuvre (démonstration d’un comportement fautif).
L’exonération de la responsabilité est possible en cas de survenance d’une cause étrangère (cause imprévisible, extérieure et irrésistible : force majeure ou fait d’un tiers). La faute de la victime peut, quant à elle, aboutir à une exonération totale ou partielle de la responsabilité selon qu’elle constitue, ou non, la cause exclusive du dommage.
- la détermination du montant des dommages et intérêts :
Les dommages et intérêt peuvent être fixés :
* par le juge : il peut fixer des dommages et intérêts compensatoires pour réparer intégralement le préjudice (certain et prévisible) résultant de l’inexécution de l’obligation. Il peut aussi attribuer des dommages et intérêts moratoires en cas de retard dans l’exécution.
* par la loi : ce sont des dommages et intérêts moratoires prévus dans l’hypothèse d’un retard dans le paiement d’une somme d’argent. Les textes viennent préciser les modalités de calcul.
* A l’avance par les parties au moyen d’une clause pénale qui indique le montant des dommages et intérêts à acquitter en cas d’inexécution fautive. Celle-ci ne peut être modifiée par le juge que si elle lui semble manifestement excessive ou dérisoire.
2.4 L’exception d’inexécution
Cette conséquence de l’inexécution d’un contrat n’est possible que pour les contrats synallagmatiques. Le principe est simple : l’une des parties constate que l’autre n’exécute pas sa prestation et décide alors, à son tour, de suspendre temporairement l’exécution de son obligation. Concrètement, par cette attitude, la partie défaillante sera incitée à exécuter sa prestation sinon elle n’aura rien à espérer en retour. Si la situation ne s’améliore pas, l’avenir du contrat consistera dans sa résolution.
2.5 La résolution du contrat
Le contexte est le suivant : l’une des parties constate l’inexécution de la prestation du débiteur et ne souhaite pas obtenir l’exécution forcée mais désire être elle-même libérée de l’engagement. La résolution du contrat peut alors être envisagée. La résolution entraîne un anéantissement rétroactif du contrat.
- résolution ordonnée par le juge :
L’une des parties soumet au juge la constatation d’une inexécution totale ou partielle mais suffisamment importante et sollicite la résolution du contrat. Le juge opère un contrôle sur la portée de l’inexécution. Il n’est pas contraint de prononcer la résolution, il apprécie souverainement, il peut préférer accorder des délais au débiteur ou rejeter purement et simplement la demande.
Dans cette situation les parties ont envisagé l’éventualité d’une inexécution lors de la rédaction du contrat. Si un tel évènement survient la clause prend effet. Le contrat est alors résolu de plein droit ce qui permet d’éviter les incertitudes liées à l’action en résolution.
- résolution imputable à la force majeure : la théorie des risques :
La situation est la suivante : l’une des parties est dans l’impossibilité d’exécuter sa prestation en raison d’un évènement de force majeure. L’existence de la force majeure permet l’exonération de la responsabilité. Une fois la force majeure caractérisée, le problème est de savoir ce qu’il doit advenir de la prestation qui était prévue au contrat en contrepartie de celle qui n’a pu être exécutée : quelle est la partie qui doit supporter les risques ?
Il faut ici opérer une distinction selon que le contrat opère ou non un transfert de propriété :
* pour un contrat n’ayant pas pour effet un transfert de propriété :
On applique ici l’adage latin res perit debitori selon lequel le risque de la perte de la chose est supporté par le débiteur.
* pour un contrat opérant un transfert de propriété :
Le Code civil prévoit, dans cette hypothèse, que les risques soient supportés par l’acquéreur. C’est ici l’adage latin res perit domino qui s’applique. En effet, en principe, le transfert de propriété est réalisé au moment de l’échange des consentements, c’est donc à cet instant précis que l’acquéreur devient propriétaire du bien.
Il est toutefois fait exception à ce principe dans certains cas :
- Si les parties conviennent de retarder le transfert de propriété (clause de réserve de propriété)c’est le vendeur qui continue alors de supporter les risques ;
- Si le vendeur, mis en demeure de livrer la chose, ne l’a pas fait avant la réalisation de l’évènement de force majeure ;
- Si les parties insèrent dans le contrat une clause retardant le transfert des risques sans pour autant limiter le transfert de propriété.
Les effets juridiques de l’inexécution du contrat peuvent être lourds de conséquences. C’est la raison pour laquelle les parties tentent parfois de soulever la nullité du contrat afin de justifier leur attitude en défense.