Responsabilité de l'hôtelier en cas de vol

9 Avril 2013

. INTRODUCTION GÉNÉRALE

Le régime de responsabilité en général pour des objets volés ou perdus confiés à un tiers peut être mis en œuvre en appliquant le contrat de dépôt.

Le contrat de dépôt en général est mentionné aux articles 1915 à 1953 du Code civil (titre XI : du dépôt et du séquestre, chapitres 1 et 2).

Il est définit comme : ” une convention par laquelle une personne, appelée le "dépositaire", se charge gracieusement de la conservation d’un objet mobilier ou d’une somme d’argent que lui remet le "déposant". [1]

L’article 1915 du Code civil le définit comme : “ (....) un acte par lequel on reçoit la chose d’autrui, à la charge de la garder et de la restituer en nature. “

Il existe 2 types de dépôt : Le dépôt volontaire et le dépôt nécessaire.

Le dépôt volontaire se forme par le consentement réciproque de la personne qui fait le dépôt et de celle qui le reçoit. [2]

Il ne peut s’effectuer qu’entre personnes capables de contracter. [3]

La preuve du dépôt est apporté par l’objet, il n’est donc pas nécessaire de produire un écrit.

Les obligations du dépositaire sont mentionnées aux articles 1927 a 1946.
Hormis les obligations principales de conservation et restitution en l’état, il n’est pas nécessaire pour le présent article d’en faire mention plus détaillée.

Le dépôt nécessaire quant à lui, est un dépôt qui intervient non pas à la demande expresse de l’intéressé mais suite à une situation “accidentelle”. (Dépôt effectué aux objets trouvés par exemple suite à une perte.) (Pour plus de détail il convient de se référer à la définition de l’article 1949).

Il est visé comme tel par le Code civil pour des biens entreposés dans un hôtel non pas parce qu’il s’agit d’un dépôt répondant à une situation accidentelle mais parce qu’il est entendu qu’il est nécessaire de disposer de ces effets personnels lorsqu’on utilise ce type d’établissement.

Les hôteliers répondent à un régime spécifique en terme de responsabilité.

2. LE RÉGIME SPÉCIFIQUE DE L’HÔTELIER

La nature de leurs responsabilités ainsi que leurs spécificités sont visés aux articles 1952 à 1954 du Code civil.

Ce type de dépôt est extérieure au droit commun prévu par le contrat de dépôt.

En tant que tel, la responsabilité est automatique.

Le régime de responsabilité [4] :

  • Est limité à 100 fois le prix de location de logement par journée pour les vols survenus à l’intérieur de cette dernière.
  • Est illimité en cas de vols ou de détériorations d’objets laissé à la réception ou si la faute de l’établissement est démontré.

De par cette obligation légale faite aux hôteliers, ce dernier ne peut donc pas s’exonérer de cette obligation. (Les notes d’informations ou autres panneaux d’informations mentionnant le contraire sont donc nulles)

Cependant, l’hôtelier pourra dégager sa responsabilité si il prouve la faute intentionnelle du client.
(la non utilisation du coffre fort mis à sa disposition dans la chambre ou à la réception ne constitue pas un motif valable de faute intentionnelle)

L’obligation faite aux hôteliers s’établit également pour les biens laissés à l’extérieur de l’hôtel mais qui se trouve dans l’enceinte de la partie privative de l’établissement. (parking par exemple).

A ce titre, la limite de responsabilité est limité à 50 fois le prix du logement par nuitée mais illimité si le client démontre la responsabilité de l’hôtelier.

Néanmoins, les propos tenus plus haut sur une clause limitative de responsabilité limité a 100 fois le prix de la location par nuitée doivent être nuancés au regard de la jurisprudence [5].

Cette dernière établie “ (...) Qu’une clause limitative de responsabilité n’est valable qu’à la condition d’apporter la preuve que les clients en ont pris connaissance et qu’ils l’ont acceptée ; qu’en se contentant de relever que « des avertissements avaient été affichés dans les chambres, invitant les clients à ne conserver dans les coffres des chambres que des valeurs inférieures à 22 400 euros », la cour d’appel n’a constaté ni que cet avertissement figurait dans la chambre occupée par les époux X..., ni que ceux-ci avaient, à titre personnel, pris connaissance de cet avertissement lors de leur séjour dans l’établissement.”

En ne se conformant pas aux consignes de sécurité affichées dans les chambres, la Cour :” (… ) a pu en déduire qu’ils avaient ainsi commis une faute ayant contribué à la réalisation de leur préjudice pour la fraction excédant cette somme (...)”.

Ainsi, le fait de n’avoir utilisé que le coffre fort de la chambre mis à leur disposition qui, leur est personnel, “ (… ) a pour conséquence de leur rendre applicable le troisième alinéa de l’article 1953 du code civil, à l’exclusion de l’alinéa 2 second de ce même article ; que dans ce cas, la responsabilité de l’hôtelier est limitée à un montant fixé à cent fois. (….) une telle exonération est notoirement admise, en présence d’une faute d’une certaine gravité, et, si elle est admise, il revient alors au juge de déterminer son degré d’influence sur la réalisation du dommage ; que dans le cas d’espèce, il est établi, par une série d’attestations obtenues auprès de la clientèle de l’hôtel, qu’il existe effectivement des avertissements affichés dans les chambres, et donnés dans le sens indiqué par l’appelante ; Par ailleurs, tout en faisant peser sur l’hôtelier un risque injustifié échappant à toute possibilité d’évaluation, leur comportement, a déjoué les seules précautions susceptibles d’être prises par l’hôtelier, afin de protéger sa propre responsabilité, et qui consistaient à faire couvrir par une assurance les vols, jusqu’à concurrence d’un montant correspondant à la valeur des bagages habituellement apportés par les clients d’un hôtel, tout en se chargeant lui-même, et contre récépissé, de la conservation des biens nécessitant des précautions particulières (...)”

La Cour de Cassation estime alors : “ (…) qu’à supposer qu’il aient effectivement placé dans le coffre de leur chambre des objets d’une valeur totale de 146.149,00 euros, comme ils le prétendent, ils ont alors concouru à la réalisation de leur dommage, pour un montant égal à 146.149,00 –22.410,00 = 113.739,00 euros, en sorte qu’il convient de réformer le jugement entrepris sur le montant des réparations qui leur ont été allouées par le premier juge, et qui seront limitées à la somme de 22.410,00 euros, qui n’aurait pas dû être dépassée (.. ) » La dite Cour stipule cependant, que l’indemnisation : “ (…) Peut en revanche être dépassée « lorsque le voyageur démontre que le préjudice qu’il a subi résulte d’une faute de celui qui l’héberge ou des personnes dont ce dernier doit répondre » ; que le tribunal a admis l’existence d’une telle faute, laquelle consisterait dans l’absence de « mesures de sécurité appropriées pour la surveillance de l’établissement », et « pour la sécurisation du coffre-fort ».

A ce sujet, la même Cour dans son arrêt du 31 octobre 2012 [6] estime .” (…) Qu’aucune faute ne pouvait être retenue à l’encontre de la société Les hôtels de Paris sur laquelle ne pesait aucune obligation d’installer un système de vidéosurveillance, ni de sceller le coffre-fort au mur, ni d’avertir les clients de la possibilité de disposer d’un coffre de plus grande dimension sous la surveillance de la direction.”

Il appartient donc aux clients de vérifier la présence de toutes clauses limitatives de responsabilités lorsque des biens sont entreposés dans les chambres, de demander un complément d’information à l’hôtelier à ce sujet et qu’en cas de doute, remettre ses effets à la réception.

3. UN PEU DE DROIT COMPARÉ : LE CAS ESPAGNOL [7]

La législation du contrat de dépôt en Espagne est similaire à la législation française.

Ledit contrat est régit dans le Code civil espagnol sous le titre XI (Du dépôt) allant des articles 1758 à 1784.

Cependant, il est intéressant de noter que si la législation est semblable sur le dépôt volontaire, elle est quelque peu différente pour le dépôt nécessaire.

L’article 1783 relatif au dépôt nécessaire mentionne les conditions à respecter pour qu’il puisse être applicable, à savoir :

Porter à la connaissance de l’hôtelier les biens à entreposer et leurs valeurs. _Le déposant doit se conformer aux recommandations portés à son attention par l’hôtelier sur l’attention et la surveillance des objets déposés.

L’on notera suite à cette observation que la responsabilité n’est donc pas automatique.

La législation espagnole, à l’inverse de la législation française ne mentionne aucune limitation quand aux dédommagements à verser en cas de préjudices. Cependant, cela ne veut pas signifier pour autant que la responsabilité de l’hôtelier sera illimité.

L’hôtelier pourra dégager sa responsabilité en cas de vol à main armé ou de force majeur.

Si le vol se produit dans la chambre, le client devra prouver la présence de ces objets dans cette dernière. L’hôtelier dégagera dès lors sa responsabilité en ce fondant sur l’article 1783 démontrant ainsi que le client n’a pas respecté l’obligation qui lui était faite de porter attention à la surveillance de ses objets.

Pour se prémunir de toute absence de responsabilité de l’hôtelier, le client devra déposer ses objets personnels au coffre mis à sa disposition à la réception (moyennant généralement un coût) ou dans sa chambre.

Il devra cependant porter une attention toute particulière à remplir avec l’hôtelier une déclaration de valeur qui devra être signée par les deux parties consignant les objets déposés ainsi que leurs montants.

Les montants ainsi renseignés servent :

  • Au client pour prouver la valeur des biens entreposés.
  • A l’hôtel pour connaître si sa limite de responsabilité est atteinte.

L’hôtel a l’obligation d’informer le client quant à cette limite sous peine de devoir payer l’indemnité dans son ensemble. (Arrêt du « Tribunal Supremo » du 8 février 2008 numéro 126/2008)

Raphaël REISS

 

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