Apprendre à apprendre

19 Janvier 2013

L’expression apprendre à apprendre est souvent utilisée pour évoquer l’éducabilité cognitive, comme si apprendre ne se référait qu’à ce qui se passe dans notre cerveau. Mais apprendre à apprendre pourrait engager bien plus que le cerveau.

L’objet de ce texte est de montrer les différentes facettes que peut recouvrir cette ambition en particulier la part du social dans cet apprentissage. L’idée sur lequel se base ce positionnement de l’apprendre à apprendre s’appuie sur le concept en construction « d’écosystème d’apprentissage ».
 
L’individu évoluerait dans un écosystème d’apprentissage. Il apprendrait à hauteur des ressources de cet environnement. Ces ressources sont constituées des informations disponibles, du matériel utilisable, des accès à des experts, mais encore d’une variété de composantes qui font sens pour l’apprenant. Plus l’individu saurait repérer les ressources en lui mais aussi qui l’entoure et lui sont utiles, plus il pourrait renforcer sa capacité à se fixer des objectifs pour apprendre. Il développerait ses capacités d’autoformation. Il s’engagerait alors dans un apprentissage durable. Dans cette perspective l’ouverture aux autres est un élément essentiel de l’autoformation. L’hypothèse posée est que la capacité d’apprendre et de s’engager d’un individu croît au fur et à mesure que l’individu comprend et sait utiliser le rôle, formateur des interactions avec les autres, maîtrise son écosystème.

Dans l’approche socioconstructiviste notamment développée par Vytgoski ou Bandura, le formateur aide l’individu à repérer les apports des autres et à apprendre au sein de groupes humains. Faire prendre conscience à un individu qu’il peut apprendre en stage, en situation de travail ou dans toute situation sociale est un premier pas. Aider l’autre à organiser ses capacités d’autoformation peut se faire par étape. Apprendre à apprendre engagerait dans une sociabilité croissante et bénéficierait de la richesse des interactions rencontrées. Il est ainsi possible de repérer le rôle des contacts, des liens et des relations.
 
L’individu peut prêter attention à plusieurs polarités de cette mise en disposition de soi pour apprendre
  1. La première polarité concerne la maîtrise des opérations mentales indispensables à l’apprentissage. Ces opérations peuvent être classées en catégories par exemple celle de l’entrainement mental (Chosson, 1991):
  • Trier – classer – repérer
  • Nommer – définir – comparer
  • Analyser – synthétiser
  • Mettre en relation historique, géographique, politique
Cette vision de l’apprendre à apprendre a particulièrement été exploré par Sorel (1994) et fait l’objet de nombreuses méthodes telles que le Programme d’Enrichissement Instrumental, Tanagra, Activolog, les Ateliers de Raisonnement Logique, ou l’Entraînement mental déjà cité. Dans cette polarité le cerveau est au centre de la réflexion, presqu’un muscle qu’il s’agirait d’entraîner.
 
  1. La deuxième polarité est pragmatique et ergonomique. De la même façon que les organisations développeraient du « knowledge management », les individus apprendraient à organiser et gérer leur connaissance et à mettre en œuvre une stratégie individuelle de « knowledge management » (« Personal knowledge management » Frand et Hixon, 1999). Cette stratégie traite de l’efficacité personnelle de la fixation de ses propres buts et jalons pour persévérer dans l’apprentissage. Elle traite de l’organisation pratique et de la gestion des connaissances. Elle inclut son environnement personnel de travail et surtout aujourd'hui son environnement numérique.
  2.  
La troisième polarité vise la création de son « réseau personnel d’apprentissage »[1]. Cette polarité se préoccupe de structurer des liens aux autres, d’agencer des flux d’informations, de maîtriser ses outillages pour apprendre à apprendre en réciprocité. Elle est particulièrement stimulée par les offres du web 2.0. Le réseau joue sur le pouvoir de la veille, la captation, la transformation des informations en savoir. Le réseau personnel d’apprentissage profite non seulement des contacts sociaux physiques avec l’identification de personnes ressources, mais aussi des agrégats d’informations en ligne, et des sites ressources. Elle joue un rôle sur la motivation en incluant le mouvement, la découverte et l’exploration et la réciprocité de l’échange.


  1. La quatrième polarité s’intéresse à apprendre collectivement. Cette modalité s’inscrit dans l’idée de communauté d’apprentissage. Le mot est fort car apprendre à plusieurs rompt significativement avec la vision d’un cerveau isolé qui monte en charge, qui stocke et traite toujours plus d’informations. L’exemple des cercles d’études peut ici être proposé (Kaplan, 2009).

Pour conclure (provisoirement) apprendre à apprendre, c'est se saisir de toutes les potentialités de son écosystème d'apprentissage à commencer par son propre cerveau mais c'est également apprendre à mobiliser toutes les sources d'information, les personnes et les espaces qui vont permettre à chacun de trouver bien plus que des connaissances : un sens pour ces connaissances et des personnes avec qui les partager.

Cristol Denis

CHOSSON, JF. (1991), L’entrainement mental. Paris : Armand Colin.
FRAND, J. HIXON, C. (1999), "Personal Knowledge Management : Who, What, Why, When, Where, How?", Working paper, UCLA Anderson School of Management
KAPLAN, J. (2009), L'autodirection dans les apprentissages coopératifs : le cas des Cercles d'Etudes. Thèse en science de l’éducation soutenue à Paris Ouest Nanterre le 8/12/2009.
SOREL, M. (1994), L’éducabilité cognitive. Paris : L’harmattan.
 

[1] http://cursus.edu/dossiers-articles/articles/4702/construire-son-reseau-personnel-apprentissage/

 

Partagez sur les réseaux sociaux

Catégories

Autres publications pouvant vous intéresser :

Commentaires :

Laisser un commentaire
Aucun commentaire n'a été laissé pour le moment... Soyez le premier !



Créer un site
Créer un site