Rubrique Entreprise
On peut se poser la question de savoir qu'est ce qu'un entrepreneur social ? Nicolas Hazard nous répond.
Devenir entrepreneur social ne nécessite pas d’avoir l’étoffe d’un héros, ni d’avoir été touché par la grâce. Comme pour n’importe quel entrepreneur, c’est l’inaliénable envie de concrétiser un projet qui est à l’origine de la démarche. Joseph Schumpeter (1883-1950), qui n’était pas franchement un entrepreneur social, est à ce titre l’auteur d’un texte empreint d’une incroyable modernité sur les motivations de l’entrepreneur (Théorie de l’évolution économique, 1911). L’économiste autrichien, tenant de l’école libérale, a identifié les trois principaux motifs qui poussent un individu à entreprendre: la joie de créer une forme économique nouvelle; la volonté du vainqueur; le rêve et la volonté de fonder un royaume. En termes plus contemporains : on devient entrepreneur par la propension que l’on a à y prendre du plaisir, par goût du défi et par volonté d’être indépendant. La poursuite de l’enrichissement personnel et la logique de profit apparaissent donc bien secondaires. Ce texte révèle une pertinence insoupçonnée pour l’entrepreneuriat social. Car créer un ≪social business≫, c’est d’abord faire le constat que tout le monde n’a pas accès à certains biens et services élémentaires, ou que ceux-ci ne sont pas adaptés aux besoins des plus fragiles. Il ne s’agit pas de créer une forme économique nouvelle pour le plaisir d’entreprendre, ou pour lancer un nouveau produit ou service dont personne n’aura réellement besoin.
L’entrepreneur social répond à une problématique sociale, sociétale ou environnementale en parfaite adéquation avec les besoins prégnants qu’il a préalablement identifiés. Il tire sa satisfaction du bien-fondé de son action. Le contexte de son intervention est pourtant loin d’être simple. Au sein de notre société globalisée, où les règles du jeu économique répondent à des logiques de marché uniformisées, ou il vaut mieux avoir tort ensemble que raison tout seul, le fait de ne pas se résigner relève du défi. L’entrepreneur social ne se satisfait pas des imperfections de notre économie. Il cherche à agir concrètement pour changer les choses. Il poursuit l’espoir de surmonter certaines forces telluriques, par sa propre volonté, la volonté du vainqueur. Ce combat, cette guerre déclarée à toute forme d’exclusion, semble à bien des égards perdu d’avance. Au mieux peut-on espérer remporter quelques maigres batailles. Mais c’est une part certaine d’idéalisme qui porte les entrepreneurs sociaux, cette volonté de participer à la création d’un nouveau paradigme économique, ce rêve de fonder un royaume où chacun pourra trouver sa place.
Voilà l’ambition. Car les besoins des plus démunis sont colossaux et en constante évolution. Il convient sans cesse d’inventer, de développer de nouveaux dispositifs. L’innovation est essentielle. Etre entrepreneur social, c’est permettre à des projets de voir le jour, que l’on crée une structure ex nihilo (entrepreneur) ou que l’on soit au sein d’une entité existante (intrapreneur). Contrairement à l’entrepreneuriat classique, la notion d’entrepreneur social est en effet détachée de celle de propriété. Il s’agit là d’une distinction fondamentale et structurante pour l’ensemble du secteur.
Etre un entrepreneur social ne consiste pas à posséder ou à être à la tête d’une structure, mais à penser et mettre en œuvre des réponses aux problématiques de notre société. Que l’on monte sa boîte ou que l’on rejoigne une entreprise sociale, le dénominateur commun est bien cette volonté de faire bouger les lignes. L’économie est le moteur du système et, si l’on veut changer les choses, c’est par le biais d’une révolution endogène. Les jeunes générations ont d’ailleurs décidé de s’engager, car l’entrepreneuriat social est à leur image. C’est une forme d’entrepreneuriat où la diversité n’est pas qu’un discours, mais une réalité du quotidien ; un entrepreneuriat qui n’étouffe pas sous un carcan hiérarchique. Alors, entreprenons !